CHAPITRE XXIV
Qui-Gon savait reconnaître ses erreurs : il avait grandement sous-estimé Obi-Wan Kenobi.
Les réparations du vaisseau étaient presque terminées. Ils avaient prévu de repartir à l’aube. Qui-Gon se détourna pour regarder l’immense océan. Il avait besoin de calme pour réfléchir à ce qui s’était passé.
Tout autour de lui, les vagues venaient s’écraser sur les rochers. Il se tourna vers les cinq lunes multicolores dont la clarté pâlissait déjà, annonçant la venue du jour. Il pensa à ce que Yoda lui avait dit : « Le hasard n’est pas seul à régir nos vies. Si vous ne voulez pas prendre d’apprenti, peut-être qu’un jour le destin choisira à votre place. »
Qui-Gon ne savait toujours pas si le destin avait décidé qu’Obi-Wan devait être son Padawan ou s’il s’était contenté de les rassembler le temps d’une aventure.
Et pourtant, le fait était là. Tous deux se rendaient sur Bandomeer, et Qui-Gon ignorait encore quelle était sa mission.
Par ailleurs, lorsqu’un Jedi touchait l’esprit d’un autre, il s’agissait d’un contact très intime qui, en général, ne se produisait qu’entre proches amis. Ou entre un Chevalier et son Padawan.
Pour la première fois depuis bien longtemps, Qui-Gon ne savait que faire.
Comme Yoda le lui avait répété maintes et maintes fois : « Lorsque le chemin n’est pas sûr, il vaut mieux attendre. » Le moment était venu de mettre ce conseil en pratique, bien que le Maître eût certainement souhaité qu’il prenne une décision ferme. Il n’allait pas demander à Obi-Wan de devenir son Padawan. Il allait attendre.
Leurs tâches seraient totalement différentes, mais le Jedi garderait un œil sur Obi-Wan. Une mission ne suffisait pas pour le juger. Il y en aurait certainement d’autres. Alors seulement Qui-Gon pourrait juger si le garçon était fidèle au Code Jedi. Bandomeer lui servirait d’épreuve, car Obi-Wan était mécontent de la mission qu’on lui avait confiée.
Qui-Gon sourit. Il devait bien l’admettre, ce garçon n’avait pas le profil d’un fermier. Son destin était ailleurs.
Pour l’instant, il réservait son choix. Obi-Wan devrait se montrer assez fort pour dissiper l’ombre de son prédécesseur. Et celle de Xanatos était bien grande et bien sombre.
Le Jedi se détourna du rivage et se dirigea vers le vaisseau. Oui, il garderait un œil sur le jeune Obi-Wan. Il sentait que le destin ne lui laisserait pas le choix.
Qui-Gon parcourut le labyrinthe des couloirs du vaisseau jusqu’à la cabine d’Obi-Wan Kenobi. Il frappa à la porte.
– Entrez.
Le garçon se tenait assis sur son lit, les jambes croisées. Il fixait les chaînes de montagnes.
– Je serai content de quitter cet endroit, dit-il en guise de salutation. J’y ai vu trop de morts.
– Tu as bien agi, dit Qui-Gon. J’ai senti la Force en toi.
– C’était… incroyable, répondit tranquillement Obi-Wan. Je croyais comprendre son pouvoir. Mais je sais maintenant que je n’ai fait qu’entrevoir ses possibilités. Des années durant, j’ai cru en être digne. Et il a fallu que j’admette ma propre insignifiance pour que sa puissance passe à travers moi. Vous me comprenez ?
Qui-Gon sourit.
– Je vois que tu apprends. Et je comprends très bien ce que tu veux dire.
Le silence retomba, mais il n’avait rien de gênant. Les autres fois, Qui-Gon pouvait presque entendre les suppliques qu’Obi-Wan retenait en lui. À présent, il ne ressentait plus que l’acceptation de ses propres sentiments et de son destin. Ce garçon venait de remporter une nouvelle victoire. Le Jedi en était impressionné.
– Nous devrions atteindre notre destination demain, annonça-t-il. Je crains que Bandomeer ne soit le théâtre d’événements assez déplaisants.
Obi-Wan croisa son regard. Ses yeux sombres trahissaient son trouble. Et pourtant, Qui-Gon perçut la Force qui était en lui.
– Je le sais, dit Obi-Wan. Je le sens aussi.